Dans la plupart des cas, lorsque nous parlons de rapports sexuels, nous avons un schéma bien défini en tête. Pour beaucoup de personnes, ce schéma correspond à : des préliminaires, une pénétration et un orgasme. Evidemment, ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais c’est, en tout cas, ce que la pornographie nous apprend, quelque soit le type de rapports sexuels. Et si, au lieu de pénétration, nous parlions de circlusion ? Et s’il suffisait de changer de terme pour changer notre manière de voir la sexualité ?


Qu’est-ce que la circlusion ?

À l’origine était la pénétration…

Pour bien comprendre ce qu’est la circlusion, revenons un instant sur la pénétration. Et ce que cela peut impliquer. Tout du moins dans les représentations que nous pouvons avoir eu. La pénétration, telle que décrite le plus souvent, sous-entend qu’il existe un rapport de domination entre le·la pénétré·e et le·la pénétrant·e. La personne pénétrée serait soumise à la personne pénétrante. Puisque cette dernière fait l’action de pénétrer l’autre. Cela sous-entend également que la personne pénétrée est passive.

C’est valable dans les rapports hétérosexuels mais aussi dans les rapports homosexuels. Tu as peut-être déjà entendu les termes « passif » et « actif » pour désigner la personne pénétrée ou pénétrante dans une relation homosexuelle. Cela montre donc bien qu’il existe un lien entre la pénétration et la domination. L’un·e subit et se soumet à la pénétration de l’autre. Pénétration qui peut être pratiquée avec un pénis, un (des) doigt(s) ou un sextoy. Encore une fois, ce n’est pas forcément la pensée de tout le monde. Mais c’est ce que nous inculque la pornographie mainstream.

Circluons gaiement

Etymologie du mot circlusion. Du latin circum signifiant autour. Et claudere signifiant clore (dans le sens fermer). Néologisme désignant le fait qu'un orifice (vagin, bouche, anus) entoure une éminence (pénis, doigts, sextoy)

Maintenant, revenons au sujet de cet article de blog : la circlusion. Le mot circlusion est un néologisme, apparu en 2016 dans un article écrit par l’écrivaine féministe allemande Bini Adamczak. Ce mot a ensuite été repris, en 2019, par Martin Page, auteur du fantastique livre intitulé « Au-delà de la pénétration« . Puis en 2021, Maïa Mazaurette, dans son livre « La Vulve, la Verge & le Vibro » redonne la définition de ce mot encore peu répandu. Ce terme a été inventé afin de changer notre perception du sexe, pour prendre le contre-pied du mot pénétration.

Avec le terme circlusion, le rapport de domination change de main. La personne pénétrée prend le pouvoir sur la personne pénétrante. Il n’y a, d’ailleurs, plus de pénétré·e·s / pénétrant·e·s mais des circlué·e·s / circluant·e·s. La volonté derrière ce néologisme est donc de changer de perspective et de parler autrement de sexe. Car les mots que nous utilisons pour parler de sexe influencent notre manière de faire l’amour.


Pourquoi pratiquer la circlusion et pas la pénétration ?

Si, techniquement, circlure et pénétrer désigne la même pratique sexuelle, l’intention derrière n’est pas la même. Nous l’avons dit, l’utilisation du terme circlusion a vocation de changer notre vision des rapports sexuels.

Redistribuer le pouvoir dans le sexe

Précédemment, nous te disions que la pénétration est souvent associée à la domination de la personne qui pénètre. La personne pénétrante est vue comme active et prend la place de la personne dominante dans la relation sexuelle. C’est cette personne qui fait l’action. Avec la circlusion, c’est la personne circluante qui a le pouvoir. Car iel prend (littéralement) quelque chose en iel. D’ailleurs, certaines personnes pénétrantes disent qu’iels ont pris quelqu’un. Tu as sûrement déjà entendu « je l’ai pris·e » ou « je me suis fait·e prendre » pour parler d’une pénétration. Techniquement, ce type de phrase est erroné. Puisque, dans la langue française, le verbe prendre signifie saisir, attraper.

Il serait donc plus logique que ce soit la personne circluante qui prenne saon partenaire, et non la personne pénétrante. Ainsi, en utilisant le mot circlusion plutôt que pénétration, les rôles s’inversent et la personne vue d’habitude comme passive devient active. La circlusion c’est prendre le contrôle du rapport sexuel et (re)prendre une place « active » dans le sexe.

Changer nos mots pour voir le sexe différemment

Dans les sciences cognitives, il existe des théories sur le fait que le langage puisse influencer notre mode de pensée. L’idée n’est pas de faire un cours de psychologie cognitive comportementale bien évidemment. Mais il faut tout de même rappeler que le langage permet la transmission d’informations et la communication entre deux individus de la même espèce (ici, l’être humain). Il existe de nombreuses études qui montrent que, sans influencer la pensée, le langage peut cependant mener à des biais de pensée. Un biais de pensée, c’est un raccourci que le cerveau va prendre. En sexualité, par exemple, un biais de pensée serait de dire qu’un rapport sexuel est une pénétration. Alors qu’il existe de multiples autres façons de faire du sexe : la masturbation, le sexe non pénétratif, le massage érotique, le sexe oral… Nous réduisons l’acte sexuel à ce que nous pensons être le plus important.

Ces études dont nous parlons montrent cependant que le contexte et l’environnement culturel sont tout aussi importants que le langage en lui-même. Bref, c’est un sujet assez complexe. Mais ce que nous pouvons retenir, c’est que, pour exprimer des idées, il est indispensable d’utiliser la parole. Et qu’alors, en variant les mots utilisés, nous allons réduire les possibles biais de pensée que nous pourrions avoir. Cela va permettre d’ajuster notre pensée et donc notre perception du sujet. Ici, notre perception de la sexualité.

Arrêter de rechercher la performance à tout prix

Dans les rapports sexuels pénétratifs, la personne pénétrante a le pouvoir sur l’autre. Mais iel a aussi la responsabilité (voire le devoir) de lui donner du plaisir. Dans la pornographie mainstream, avec force coups de rein, la personne pénétrée est menée à l’orgasme par la personne pénétrante. Et c’est bien à la personne qui pénètre que revient cette responsabilité de l’orgasme de saon partenaire. Avec ce type de représentations, il est facile de commencer à se mettre la pression lors des rapports sexuels.

Une étude de Charles.co menée en 2022 sur 1 000 hommes1 montrent que :

  • 68% des personnes interrogées déclarent ressentir une pression lors du rapport sexuel
  • 97% d’entre elles disent avoir peur de ne pas faire atteindre l’orgasme à leur partenaire

Lors de cette étude, le Dr Gilbert Bou Jaoudé précise que « Beaucoup [de personnes] pensent que le rapport sexuel est une sorte de performance à accomplir et non un moment de plaisir à partager. De plus, [iels] pensent que cette performance est basée sur la pénétration comme dans la plupart du porno. » Alors, si circluer saon partenaire plutôt que de se faire pénétrer était un premier pas vers moins de performance et plus de plaisir ? Les rapports de domination changeraient et cela pourraient être bénéfique pour l’ensemble des partenaires…


Le changement des termes employés peut sembler futile pour certain·e·s d’entre nous. Et pourtant, pour d’autres personnes, c’est essentiel. Cela va permettre de nous réapproprier notre sexualité et d’avoir notre propre manière manière de faire l’amour. C’est aussi ça l’inclusivité : laisser les personnes choisir la façon dont iels veulent parler de sexe.

  1. Le terme hommes a été utilisé pour désigner les personnes ayant un pénis ↩︎

Publications similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.