Le bondage est une pratique BDSM, consistant à attacher quelqu’un ou se faire attacher. Le Shibari est une pratique de bondage, utilisant des cordes. Entre clichés et blagues nulles, est-ce que tu sais réellement ce qu’est le bondage Shibari ? Si tu penses que c’est juste une pratique sexuelle un peu étrange, cet article est fait pour toi ! Parce que (spoiler) le Shibari c’est beaucoup plus que ça. Entre érotisme et art, Les Effronté.e.s revient sur le bondage japonais.

Cet article fait suite à une séance d’initiation et une jam, organisées par l’association Il pleut des cordes. Les membres de cette association ont également participé à la relecture de cet article, afin de t’apporter des informations les plus précises possibles. Merci à elleux !

Pour avoir mon retour d’expérience sur les séances de Shibari faites avec l’association Il pleut des cordes, rends-toi à la fin de cet article.


La petite histoire de la pratique du Shibari

Dans la culture japonaise, les cordes ont toujours eu leur place : des cérémonies religieuses (pour symboliser la connexion avec le Divin) aux offrandes de cadeaux emballés avec soin (le furoshiki ou encore le mizuhiki) en passant par les arts martiaux. Et en parlant de ces derniers, les cordes sont devenues au fur et à mesure un outil pour capturer et entraver les prisonniers. A une période assez sombre de l’histoire japonaise, ces techniques se développent : le Tasuki-dori, le Hobaku-jutsu et le Hojo-jutsu. En fonction des motifs formés par les cordes, on pouvait connaître le statut social du prisonnier ainsi que son crime et sa sentence. C’est, a priori, de ces arts martiaux que viendraient le bondage japonais, lorsque la paix est revenue dans le pays.

A travers le théâtre Kabuki, l’art des cordes, pour retranscrire des scènes de sexe et de torture érotique, prend son essor. Différents types de bondage japonais apparaissent : la suspension ou la mise en scène de punitions, par exemple. La photographie, les illustrations, les livres d’images érotiques et, bien plus tard, Internet popularisent le bondage Shibari auprès du grand public non-initié. Le Shibari descend de toute cette histoire, avec une dimension érotique dans la présentation des sujets attachés.


Les prérequis avant de pratiquer le Shibari

Avant de te lancer tête baissée dans le bondage Shibari, tu dois en connaître les règles et avoir conscience de tout ce qu’une séance peut impliquer.

La compréhension et la gestion des risques

La pratique du Shibari n’est pas anodine, du fait de l’utilisation des cordes. Il ne faut pas se lancer tête baissée dans cette pratique. Nous ne pouvons que te conseiller de te rapprocher d’associations autour de chez toi, pour avoir les conseils de personnes expérimentées. L’idée n’est pas te faire peur mais de te donner un aperçu de ce qu’il faut savoir sur le corps humain afin de pratiquer en toute sécurité. Nous te présentons les grands risques possibles ainsi que la manière de les éviter. Tout ceci n’est qu’une liste informative et ne remplace pas l’avis et les conseils de personnes expérimentées.

Dans tous les cas, il faut absolument avoir à portée de main, quelque chose pour couper les cordes en toute sécurité, à tout moment. Il faut cependant éviter les ciseaux à bouts pointus pour ne pas prendre le risque de découper taon partenaire en même temps que la corde. Le mieux est d’avoir un coupe corde (utilisé par les personnes faisant de l’escalade).

Risques physiques

Prendre conscience des risques de blessures, c’est prendre soin de la personne attachée. Cela permet d’éviter les situations à risques. Cela dit, il faut garder en tête que, même avec toutes les précautions nécessaires, le risque zéro n’existe pas. Il est donc primordial de garder une communication ouverte pendant la séance pour que l’attaché·e puisse dire si ça ne va pas.

Le corps humain est parcouru de veines, tendons et nerfs, dont bon nombre sont assez enfouis sous la peau pour que ce ne soit pas dangereux. Cependant, à certains endroits, ces éléments anatomiques affleurent sous la peau. C’est le cas, par exemple, au niveau du creux des coudes où tu peux voir tes veines. De manière générale, il faut éviter de placer des cordes au niveau des articulations pour éviter tout problème de compressions sanguine et nerveuse.

Afin d’arrêter la pratique lorsqu’un problème survient, voilà quelques signes d’une compression :

  • sanguine : fourmillements dans le membre encordé et perte de sensations mais tu gardes la capacité de bouger. Tu peux retrouver le même effet lorsque tu t’assois sur ton pied et que tu ne le sens plus. Tu peux le bouger mais tu ne le sens pas et ce n’est pas hyper agréable. Tu retrouves l’usage de ton pied une fois que le sang se remet à circuler normalement. La peau peut devenir bleutée (signe que le sang ne circule plus). Une fois les cordes retirées, le sang se remet à circuler normalement ;
  • nerveuse : tu peux également ressentir des fourmillements et avoir une modification de la sensibilité du membre (augmentation ou diminution des sensations). Ce qui différencie la compression sanguine et la compression nerveuse c’est que cette dernière peut être douloureuse (douleur vive). Mais surtout, tu n’es plus en capacité de bouger l’extrémité du membre concerné. Par exemple, une compression du nerf radial (qui va de l’épaule à la main, en passant par le coude) va entraîner une faiblesse musculaire dans les doigts. Et tu ne seras plus capable de serrer quelque chose dans ta main.

Le passage de cordes au niveau du cou est également à éviter pour des raisons (évidentes) d’asphyxie et d’écrasement de la trachée.

Dernier point : les chutes. Si tu pratiques la suspension (tu sais, ce sont ces photos spectaculaires de bondage Shibari, que tu as probablement déjà vues), le risque de chutes est présent. Ne t’aventures pas dans de la suspension si tu ne maîtrises pas bien tout tes nœuds. Vas-y par étapes et nous te conseillons de te faire accompagner pour tes premières suspensions.

Risques émotionnels

L’état émotionnel de la personne attachée est modifié pendant la pratique. Lors d’une séance de bondage Shibari, le cerveau va sécréter de nombreuses substances, notamment de l’endorphine. Cela mène à un état de conscience légèrement modifié, favorisant la détente et la conscience de son corps. A la fin de la séance, le retour à la réalité peut être plus ou moins violent (en fonction des personnes). De plus, la contrainte exercée sur le corps rend impossible les mouvements (suivant la manière d’attacher). Cet état d’incapacité physique fait que la personne attachée se remet complètement à saon partenaire. Ce qui peut être perturbant ou angoissant pour certain·e·s.

Du côté de la personne qui attache, le risque psychologique est également présent. Car iel a la responsabilité de l’autre et de sa sécurité. C’est une charge qu’il faut être prêt·e à endosser.

Avant la séance, il faut donc t’assurer que toi et taon partenaire êtes dans un état émotionnel stable. Il faut éviter de pratiquer si l’un·e de vous est déjà mal psychologiquement ou fatigué·e. Si c’est le cas, il vaut mieux reporter la séance pour ne pas mal vivre la séance. Si en cours de séance, l’un·e de vous se sent mal, il faut le verbaliser immédiatement et arrêter la pratique. Prenez ensuite un moment pour en discuter et savoir ce qui s’est passé. Cela vous permettra d’essayer d’éviter la situation lors de la prochaine séance de bondage.

Le consentement

Le bondage Shibari entrave les mouvements. C’est le but. Parfois, tu peux même être privé·e de la vue ou de ta faculté de parler (suivant l’endroit où sont placées les cordes). Alors le consentement est primordial. Il ne faut pas attacher quelqu’un contre son gré : cela ne s’appelle plus du Shibari sinon (et ce n’est pas hyper légal dans ce cas-là). Si tu as envie de pratiquer le bondage Shibari avec taon partenaire, il faut que tu lui en parles avant. Ne serait-ce que pour voir si cette pratique l’intéresse (ou non).

Le consentement doit être :

  • explicite. Oui, c’est oui. Autre chose, c’est non. Ne pas savoir, le silence ou dire oui après un chantage ou une contrainte : c’est non ;
  • éclairé. Cela paraît bête à dire mais si nous ne savons pas de quoi nous parlons, il est difficile de donner son consentement. La personne qui donne son consentement doit savoir exactement à quoi elle consent donc rajoute un maximum de détails à ta demande. Ne demande pas « veux-tu te faire attacher ? » mais dis plutôt « veux-tu te faire attacher les bras, avec des cordes qui remontent de tes poignet tout le long de tes avant-bras jusqu’aux coudes ? » ;
  • révocable. La personne qui donne son consentement peut le retirer à tout moment. Même si la séance a commencé et qu’au début de celle-ci, iel avait dit être OK pour se faire attacher de cette manière ;
  • ponctuel. Le consentement pour un acte en particulier n’est valable que pour la séance. Sous-entendu : ce n’est pas parce que taon partenaire a accepté une fois quelque chose pour une séance que ce consentement est valable pour tout le reste des séances.

Cela implique de ne pas pratiquer le bondage sous l’emprise de l’alcool ou de drogues. Car ces substances vont forcément altérer ton jugement.

« Chéri·e, faut qu’on parle ! »

Pas d’inquiétude : l’idée de cette discussion est de convenir ce qui vous ferait plaisir à toustes les deux. Vous allez aborder ensemble tout ce qui vous passe par la tête. Pour que vous sachiez l’un·e et l’autre ce qui est autorisé ou non pendant la séance. Faites ensemble le tour du sujet, prenez le temps qu’il vous faut pour définir :

  • les endroits du corps où la personne accepte (ou non) d’avoir des cordes ;
  • si la séance se passe nu·e (chez toi uniquement, n’impose pas ta nudité dans un cours) ou habillée ;
  • s’il peut y avoir des jeux d’impact, d’humiliation, de strangulation, etc.

Bref, discutez de tout ce qui pourrait se passer dans la séance. Si, pendant la pratique, tu souhaites faire quelque chose qui n’a pas été discuté en amont : ne le fais pas. Mais garde ce point en tête pour la prochaine séance.

Apprendre le nœud de base

Comme nous te le disions : il ne faut pas se lancer tête baissée dans le Shibari. Cela demande de s’être préparé un minimum. Notamment, au niveau des nœuds de cordes. Avant de tenter l’expérience, apprends à faire les nœuds de base du Shibari. Il existe, bien évidemment, des tutos sur Internet. Mais nous te conseillons de faire appel à une association proche de chez toi. La plupart de ces associations proposent des cours d’initiation qui te permettront de poser toutes tes questions et de te faire aider pour les premiers nœuds.

Le nœud que nous avons appris avec l’association Il pleut des cordes (sur Lille) s’appelle le Single column tie.


Comment choisir ses cordes de bondage Shibari ?

Pour retrouver un guide complet, écrit par des personnes expérimentées, tu peux aller voir le guide de l’association Il pleut des cordes. Ce qui suit n’est qu’un résumé du guide précédemment cité, pour te donner un aperçu de ce qui s’y dit.

La plupart des cordes que tu trouveras dans les loveshops ne sont pas particulièrement adaptées au bondage Shibari. Car elles sont souvent en coton, qui a tendance à être élastique et donc à se resserrer « tout seul« . Il pourra donc être difficile de défaire le nœud. De plus, ces cordes ne sont pas adaptées pour faire de la suspension. Idem pour les cordes en matière synthétique.

Les cordes en chanvre et en jute sont les plus adaptées à la pratique du Shibari. Penses à acheter des cordes qui sont faites spécialement pour le bondage Shibari. Pour être certain·e de leur qualité et qu’elles sont adaptées à ta pratique. Ces cordes, en fibres naturelles, nécessitent un petit conditionnement avant la première utilisation consistant à :

  • frotter. Le frottement de la corde contre elle-même va l’assouplir et faire sortir l’excès de fibres ;
  • brûler. Pour retirer l’excès de fibres, qui vient de sortir par le frottement ;
  • hydrater. Cela s’appelle le waxage. Il s’agit de venir appliquer un produit (cire ou huile végétale) pour adoucir la corde et la protéger.

Les questions que tout le monde se pose

Est-ce que ça fait mal ?

Ce n’est pas obligatoire mais il faut bien garder en tête que c’est une pratique BDSM… Cela dépend aussi ce qui est recherché. Pour certaines personnes, ce sera la douleur et pour d’autres pas du tout. Le degré de douleur vient de la tension mise dans les cordes et de l’endroit et la manière dont elles sont placées. C’est à ajuster en fonction de ce que souhaite la personne attachée.

Est-ce purement sexuel ?

Oui et non (désolée pour cette réponse de Normands). Oui, il y a une facette érotique dans la pratique du Shibari, voire sexuelle. Mais il y a aussi un aspect esthétique non négligeable : l’art du beau au service de l’érotisme. Cependant, pour certaines personnes, il n’y a aucune dimension érotique ou sexuelle derrière la pratique. Nous avons, par exemple, rencontré une personne qui se sert des cordes pour contrôler ses crises d’angoisse. Se faire attacher est le seul moyen pour elle de calmer ces crises. C’est sa manière de lâcher prise sur quelque chose qu’elle ne contrôle pas, de toute manière. Tout dépend ce que tu cherches en te faisant attacher ou en attachant.

Comment faire si je n’ai pas de partenaire ?

Certaines associations te proposent des cours d’initiation où tu peux peut-être aller solo. Ces cours d’initiation sont faits pour expliquer les nœuds de base du Shibari. Renseigne-toi auprès de l’association que tu as sélectionné pour savoir si le fait de venir seul·e est un problème. Pour t’entraîner, tu peux tester les nœuds sur toi (au niveau des jambes). Le fait d’aller en association te permet également de rencontrer des pratiquant·e·s avec lesquel·le·s tu pourras discuter. Evidemment, ces personnes n’ont aucune obligation de pratiquer avec toi. Mais cela te permettra déjà de rencontrer (amicalement) des personnes ayant les mêmes centres d’intérêts que toi.

Comment trouver une association de bondage Shibari ?

Google est ton ami évidemment. Ensuite, renseigne-toi sur l’association qui a retenu ton attention. Vérifie ce qu’en dise les gens qui sont passés par cette asso. Puis va leur parler directement : par mail ou sur leurs réseaux sociaux. Fais-toi une idée précise de qui se trouve derrière cette association. Comme tu le ferais pour un·e inconnu·e ou un·e potentiel·le partenaire finalement.


Si tu souhaites avoir mon retour d’expérience sur le Shibari, tu peux le recevoir par mail. Il te suffit de me laisser ton adresse email juste ici.

La partie sur le Shibari est en pages 27 à 33. Et tu auras accès à mes autres expériences.

Sources :

Les sortilèges du bondage japonais, Midori, 2001 – Aperçu historique et pittoresque du bondage japonais, pages 23-26 – Editions de Grenelle sas

Charte Association Il pleut des cordes

Les compressions nerveuses

Guide pour choisir ses cordes Association Il pleut des cordes

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